Demetrescu

Paulina Mihai 2003

Un des biographes de Picasso affirmait qu’on devrait toujours s’excuser en parlant peinture. En même temps « nous vivons au miliux des mots » – nous avertisait Michel Butor. La théorie de l’art allemande a thématisé depuis longtemps la verbalité du tableau : l’art visuel detient sa connaissance particulière, non-discursive, mais aussi efficace que tout autre savoir. L’art moderne s’est particulièrement développé dans le sens de l’apprentissage de la visibilité – apprendre à voir et à regarder – et de l’immediateté de l’image.

La peinture de Paulina Mihai correspond à ces defis : ses expériments visuels temoignent une biographie artistique exceptionnelle. Née en Roumanie, elle a etudié à l’Académie des beaux arts de Bucarest où elle a joui d’une renomée certaine dans les milieus artistiques. Elle vit depuis plus de vingt ans à Berlin, où elle a suivi son propre parcours artistique que j’aimerais definir comme « libération de la peinture » : éloignement de la nature, pour pouvoir mieux l’appréhender. Il s’agit aussi d’un renoncement au paysage, pour faire place à la nature intérieure qui rejoint la nature extérieure dans l’unité visuelle de sa peinture. Car, pour citer Jacques Maritain, l’art moderne affirme la sujectivité de l’artiste au lieu de la beauté extérieure de la nature.

La peinture de Paulina Mihai se laisse difficilement déchiffrer : ses tableux ne racontent pas d’histoires et ne portent jamais de titres. Elle a ses origines dans la tradition de la peinture roumaine qui survit dans les tableaux de Paulina dans la force des couleurs et la synthèse de l’image : cette aspiration est perceptible dans toute l’histoire de l’art roumain amenant parfois à la géometrie et même à l’abstraction. Dans l’art moderne roumain on retrouve toujours le sens de la synthèse et une certaine propention pour l’essentialité formelle.

Vue d’une perspective postmoderne la peinture de Paulina Mihai temoigne aussi de la grande tradition européenne de la modernité, dans la quelle la (re)création de la réalité n’est plus synonyme avec l’imitation de la nature; rappelons les mots de Paul Klee : »Kunst gibt nicht das Sichtbare wieder, sondern macht sichtbar ». L’œil de l’artiste a le privilège de nous faire voir le monde visible dans le parcours specifique de la visibilité créatrice.

La force des tableaux de Paulina ne réside pas dans ses dimensions, mais dans leur monumentalite qui anéantit parfois le mur sur le quel ils sont accroché.. C’est ainsi de la force du coloris et de la matière concrèe picturale que naît la « magie » qui nous introduit dans la realité de sa peinture et nous invite à la parcourir pour apprendre à la regarder.

Ruxandra Demetrescu
Leiterin des Rumänischen Kulturinstituts in Berlin

Text zur Ausstellun in der Galerie Riberaygua, Andorra La Vella, Andorra, 2003
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